Histoire

ACTEURS DE L’OMBRE (AO) a plus de 40 ans ! Découvrir son histoire, de ses fondements à aujourd’hui, en comprenant son évolution au fil des générations, c’est saisir son identité profonde, qui s’inscrit bien au-delà de son institutionnalisation. C’est en février 1993 que les différents membres d’Acteurs de l’ombre se constituent en ASBL et c’est en 1995 que l’association reçoit sa première reconnaissance en Théâtre Action par la Communauté française mais il faut remonter jusqu’en 1980 pour évaluer son impact dans le secteur du Théâtre Action et toutes les luttes qu’elle a menées depuis sa création.

1980-1983 : LA RAMPE ET LE PETIT THÉÂTRE ROUGE

Tout débute rue Méan, dans le quartier d’Outremeuse, dans les locaux de ce qui deviendra plus tard la Zone. Dès 1980, les premiers spectacles de l’atelier théâtre de la Maison des Jeunes « LA RAMPE » du Mouvement des enfants Prévoyants sont montés.

Suite à ces premiers ateliers, Le PETIT THEATRE ROUGE (PTR) voit alors le jour en juin 1983. Sensibilisés en grande partie par ce type d’ateliers de création, une douzaine de jeunes décident de se structurer sous la forme d’un groupe permanent et autonome de Théâtre Action. Le PTR se revendique être un lieu de l’expression des oppressions et des luttes quotidiennes, passées et présentes, de la classe ouvrière de notre région liégeoise. Le noyau porteur est composé de jeunes, qui, fin des années 70, ont découvert le Théâtre Action par des biais divers.

C’est la combinaison d’une action « extra muros » très dense avec une action « intra muros » progressive et contrôlée qui explique l’impact et la dynamique du PETIT THEATRE ROUGE. D’un quartier à l’autre, le PTR étend son réseau et atteint ses objectifs : L’UNDERGROUND THEATRE est né. Expression des minorités culturelles, décentralisation et collaborations, toute l’identité des futurs ACTEURS DE L’OMBRE y est déjà.

1987, ANNÉE CHARNIÈRE

Rebaptisé UNDERGROUND THÉÂTRE en 1987, ce dernier organise un événement tout à fait original qui rassemble plus de trois cents jeunes de la région liégeoise pour participer à « la Descente dans la zone », un spectacle unique et déambulatoire écrit à partir d’extraits de pas moins de sept spectacles qui ont vu le jour dans cette maison, ces cinq dernières années.

Toujours en 1987, pour accroître leur efficacité et adapter leurs réponses aux demandes suscitées dans le milieu « jeunes » par leur action, une partie de l’équipe porteuse décide d’opter pour un élargissement de sa pratique au-delà du domaine strict de la création théâtrale. Naît alors une nouvelle association : LA ZONE, Centre de Création, de Production et de Diffusion Artistiques.

Porteuse d’un projet ambitieux, LA ZONE est reconnue par le Service Jeunesse du Ministère de la Communauté Française un an plus tard : celle-ci est désormais une Maison de Jeunes, perçue par beaucoup comme novatrice, originale, voire expérimentale.

1992, NÉCÉSSITÉ DE SE RECONSTITUER AUTOUR D’UN PROJET DE THÉÂTRE ACTION COHÉRENT

Cette même année 92, l’équipe des comédien·ne·s animateurs de LA ZONE ressent le besoin de retrouver son identité particulière et de la ré-affirmer. Se retrouver autour de sa pratique originelle, redéployer celle-ci dans la région par l’investissement de lieux et de publics multiples lui sont indispensables.

En septembre 1992, comme un retour aux sources donc, la compagnie ACTEURS DE L’OMBRE naît.

Chaque projet de création pose la question du choix du public visé, à observer, à animer ou à interpeller, comme préalable à la définition de toute thématique, AO situe le public comme acteur culturel effectif et propose de lire les problématiques du point de vue du public visé. Les problématiques mises en jeu ressemblent dès lors moins à des thématiques (racisme, exclusion sociale, drogue, droit des femmes) qu’à des mises en questionnement et/ou en évidence de ce qu’un milieu donné met en œuvre pour résoudre une situation donnée, problématique ou conflictuelle.

Par la diversification de ces publics, AO diversifie les points de vue, donc les lectures d’une même réalité. C’est par là qu’AO tente de faire une œuvre globale d’émancipation intellectuelle, et culturelle des milieux successivement rencontrés en mettant en évidence ce qui les particularise, les met en divergence ou en conflit mais également ce qui les rapproche et leur ouvre des solidarités potentielles à construire concrètement.

Dès lors, l’équipe aborde l’art théâtral avant tout comme un outil visant à susciter et à provoquer la réflexion, à stimuler l’affirmation culturelle identitaire des minorités culturelles qui en fournissent la matière.

AO remet en question la distinction formaliste entre « atelier théâtre » et « création autonome » qui pour elle, tend implicitement à poser « les professionnels » comme spécialistes des Arts de la Parole (donc propriétaires d’un savoir reconnu) et les autres, « les animés » comme « non légitimes » de la Parole (au sens large), dont les productions seront donc forcément de moindre qualité et, par-là, de moindre intérêt. Vision plutôt contradictoire avec l’approche du Théâtre Action.

« Acteurs de l’Ombre est né pour que se redéploie l’idée, ou qu’elle perdure en tout cas, que le théâtre, ce théâtre-là, doit exister ; celui de la vie d’aujourd’hui, des jeunes, des minorités, des marginalisés. Il doit continuer d’exister, ce théâtre de l’émotion en direct, de l’image en quatre dimensions, la quatrième étant celle du mouvement, de la réflexion mise en chair et en os.

Ce théâtre qui revendique autant qu’il rêve, qui hurle autant qu’il supplie, qui fanfaronne autant qu’il flippe, qui invente autant qu’il se goure, qui prétentionne autant qu’il écoute, qui parle tout simplement… Pour que la parole circule encore dans les têtes et dans les veines, dans les gestes et dans les regards, dans les bistrots et dans les caves, dans les salles et sur les places ou les trottoirs… » (extrait dossier 1993)

1995-2003 : RECONNAISSANCE EN THÉÂTRE ACTION PAR LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

Après 15 années de pratique intensive, AO signe sa première convention de la Communauté Française en Théâtre Action.

FONDS SOCIAL EUROPÉEN, TOURNANT IMPORTANT

A partir de 2004 s’opère un tournant important par l’obtention d’un subside conséquent du Fonds Social Européen (FSE), permettant un renforcement de l’équipe de travailleur·euse·s permanent·e·s et un budget afin de développer artistiquement les ateliers mais aussi les collaborations intersectorielles.

Un travail d’initiation au processus de création collective va véritablement voir le jour sur des thématiques comme la violence en milieu carcéral, la place des femmes dans notre société, la transmission aux côtés de partenaires institutionnels tels que des SIS, des CPAS, des maisons de quartier et de jeunes, etc.

En 2008, AO met en place la formation CASTA (Comédien·ne Animateur·trice Spécialisé·e en Théâtre-Action) avec l’Ecole de Promotion Sociale IEPSCF Chênée-Fléron-Soumagne. Ces groupes d’étudiants comédien·ne·s-animateur·trice·s présenteront leur création collective de fin de formation dans différents lieux, hall d’entrée d’écoles, ancienne gare, dans un cimetière. Ils travaillent également à l’élaboration de corti (forme courte théâtrale) pour le Festival de San Casciano dans la région de Florence en Italie.

LE TRAVAIL EN ATELIER : COEUR DU PROJET

Depuis quelques années, le travail en atelier est redevenu la priorité et le cœur de notre projet.

Ce nonobstant, la crise que nous traversons depuis 2 ans et qui a relégué le monde de la culture au rang de « non essentiel », le départ des anciens de l’équipe ayant imposé un gros travail de réflexion sur l’identité d’hier et d’aujourd’hui, l’isolement auquel nous avons été toustes contraint·e·s et qui a fait des ravages, toutes ces choses ont de nouveau mis en exergue l’importance de mêler nos pratiques artistiques à nos luttes partout et à tout moment.

C’est pourquoi aujourd’hui, la nouvelle équipe d’AO souhaite puiser dans ses racines pour s’inspirer et relancer une nouvelle dynamique tout en développant des pratiques cohérentes par rapport aux mutations de la société et donc aux réalités qui nous sont propres.